Une nouvelle décision autorise la pratique de l’adoption par des couples de femmes homosexuelles.
Si l’analyse de la loi Taubira du 17 mai 2013 ne permettait pas une position tranchée, cette nouvelle jurisprudence semble répondre à la question.
La procréation médicalement assistée, appelée communément PMA est définie par l’article L2141-1 du Code de la santé publique comme « un ensemble de techniques médicales cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert d’embryons, et l’insémination artificielle, ainsi que toute technique d’effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel ».
En France elle est réservée aux couples hétérosexuels mariés, ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans, dont l’infertilité a été médicalement diagnostiquée ou dont le processus de procréation naturelle pourrait transmettre à l’enfant ou à un membre du couple une maladie d’une particulière gravité, type VIH [article L2141-1 du Code de la santé publique].
Ainsi, la loi permet la procréation assistée d’enfants pour des couples qui par nature ne pourraient pas en avoir, au nom du principe d’égalité.
Comme depuis la loi Taubira du 17 mai 2013, un couple homosexuel est exactement dans la même situation juridique qu’un couple hétérosexuel, y compris en matière de procréation et de filiation, le droit doit donc en tirer les conséquences.
C’est ce qu’a fait la jurisprudence.
En effet, le 16 avril dernier, la Cour d’appel de Versailles a validé quatre adoptions issues de PMA par des couples de femmes homosexuelles qui s’étaient vues déboutées de leurs demandes un an plus tôt. Ces décisions ne sont pas isolées, elles arrivent juste après une décision de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence du 14 avril 2015.
Pour comprendre l’impact de ces décisions, il faut revenir en arrière, au 29 avril 2014, lorsque le Tribunal de Grande Instance de Versailles avait refusé la demande d’adoption d’un enfant par la conjointe de sa mère biologique.
Le Tribunal avait justifié sa décision en estimant qu’il y avait eu une fraude à la loi, dès lors que le couple de femmes avait bénéficié d’une PMA à l’étranger, cette dernière étant illégale en France. Pour la justice, l’enfant était « illégalement conçu ».
Puis, le 23 septembre 2014, la Cour de cassation avait fait suite à la décision du Tribunal de Grande Instance en rendant deux avis.
La Cour de cassation avait ainsi estimé que le recours à une PMA à l’étranger « ne fait pas obstacle à ce que l’épouse de la mère puisse adopter l’enfant ainsi conçu dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant ».
La question restait entière quant à la force juridique de cette décision. Bien qu’elle ne soit qu’un avis consultatif, la réponse de la Cour de cassation à ce vide juridique risquait d’influencer énormément la pratique des juridictions.
Fin 2014, le Tribunal de Grande Instance de Versailles s’était plié à l’avis de la Cour de cassation et avait autorisé plusieurs adoptions par des couples de même sexe.
Puis, le 16 avril dernier, la Cour d’appel de Versailles a validé le cas de cette adoption soumis en avril 2014, de même que celles ayant donné lieu au jugement d’avril 2014.
Cet arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles rejoint celui de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 14 avril 2015, qui a également été favorable à l’adoption d’un enfant par son parent « social », dans le cadre d’un couple de même sexe.
Pour revenir sur les faits relatifs à l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, deux femmes qui s’étaient mariées depuis l’adoption de la loi Taubira le 17 mai 2013, avaient réalisé une PMA en Espagne, à l’issue de laquelle un petit garçon était né en juin 2012.
La compagne de la mère biologique avait voulu l’adopter, mais le Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-Provence avait refusé l’adoption, en juin 2014, estimant que la procréation avait eu lieu par détournement de la loi.
En effet, selon le Tribunal, le couple avait contourné l’article du Code de la santé publique français en réalisant une PMA anonyme en Espagne pour donner naissance à un enfant irrémédiablement privé de père donc directement adoptable.
La mère adoptante avait fait appel du jugement.
Alors que dans cette procédure, le ministère public avait également invoqué la fraude à la loi, la Cour d’appel, retenant une directive européenne de 2011 « qui pose le principe de la libre circulation pour les soins de santé que les ressortissants européens peuvent aller recevoir à l’étranger » a au contraire anéanti l’arrêt du Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-Provence et a ainsi en reconnu l’adoption plénière d’un enfant né par PMA par l’épouse homosexuelle de sa mère.
Ainsi, la Cour d’appel a estimé que l’enfant était « le fruit d’un projet parental » entre les deux femmes et que sa maman biologique, ressortissante européenne, était libre de circuler en Europe pour s’y faire soigner.
Ces arrêts vont donc plus loin que les avis de la Cour de Cassation et mettent fin à une certaine insécurité juridique.
L’adoption d’enfant né de PMA au sein d’un couple de même sexe est désormais légale à une seule condition : la PMA doit s’effectuer à l’étranger, dans un pays où le procédé n’est pas réservé aux situations d’infertilité pathologique, comme c’est le cas en France.
Ces différents arrêts ont une portée symbolique : ainsi, le mode de conception de l’enfant ne fera plus obstacle à l’adoption par les couples de femmes.
Enfin, ces arrêts semblent ouvrir un nouveau débat sur la question de la légalisation de la PMA aux couples de femmes en France.
En effet, la loi Taubira sur le mariage pour tous a ouvert le droit à l’adoption aux couples de même sexe, mais n’a toujours pas résolu la question de la conception d’enfants sans père ou sans mère